Cabinet d'avocats Thibaut et Thomas EXPERTON
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ACTUALITÉS

concours d'éloquence Apr 03, 2019

Plaidoirie dans le cadre du concours d’éloquence

Le « Concours de la Conférence des avocats du Barreau de Paris » est un concours d’éloquence, fondé il y a plus de deux siècles, qui se déroule dans la Bibliothèque de l’Ordre des Avocats de Paris, située au sein du Palais de Justice de Paris.
Il s’adresse aux jeunes avocats inscrits au Barreau de Paris.


Lors du concours, les candidats doivent démontrer, en public, leur capacité à soutenir une argumentation et défendre une cause tout en s’efforçant d’entretenir l’élégance et la précision de la langue française.
Les règles du Concours sont précisées à l’annexe IV du Règlement Intérieur du Barreau de Paris (RIBP).


À l’issue du Concours, douze Secrétaires de la Conférence sont élus pour un an par les lauréats de l’année précédente afin d’être, notamment, commis d’office par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris dans les affaires pénales les plus graves (faits criminels) ainsi que pour des missions de défense pénale d’urgence.

À cette occasion, Maître EXPERTON a mis toute son expérience et son talent pour participer à ce concours et respecter la tradition du barreau de Paris sur un sujet pour le moins provocateur.


 

Sujet : Sommes-nous tous coupables ? Non

 

Signe de mains qui tournent autour de la tête : « ppssss »

Vous entendez déjà ? Vous entendez déjà ? Je n’ai pas encore formulé la moindre pensée que je sens déjà le parfum du procès en culpabilité que vous allez me porter à l’idée selon laquelle nous pouvons être coupables de rien ?

Certains, pour la plupart, m’ont d’ores et déjà jugé sur mon nom, sur ma posture, sur mon timbre de voix, sur ma tonsure naissante, et je serai tenté de dire sur mes habits, mais la robe que je porte est là pour faire bouclier et fi de vos jugements.

Il ne sert à rien de vouloir nier ce constat que je vous jette à la figure, instamment !

Bande de lâches ! Tels des anonymes derrière leurs réseaux sociaux avec leurs misérables twitter et facebook à balbutier des idées aussi cuites qu’un plat réchauffé dans un micro-onde !

Vous pointez déjà mon exagération verbale ?

Vous les humains vous ne pouvez niez que vous passez votre temps constamment à juger les gens, les choses et tout ce qui peut avoir une quelconque présence matérielle et même inanimée.

Je n’en peux plus, je n’en peux plus de vous entendre geindre sur vos constats et vos jugements :

Cet homme est trop ceci et trop cela..

Cette viande n’est pas assez cuite …

Ce siège n’est pas confortable..

Puis je vous considérer coupable du jugement que vous portez à mon endroit et à l’égard de vos semblables et qui est proportionnellement inverse à la longueur de notre rencontre ?

De toute mes forces et du plus profond de mon être, je vous dirai NON vous n’êtes pas coupable.

Par égard à mes années de droit et par déférence pour l’esprit académique je commencerai par la racine du mot culpabilité.

Ce genre de phrase introductive, rassure toujours l’auditoire, qui se dit dans sa tête, s’il y a du latin c’est qu’il a bossé le sujet !

Ignorant, trois clics sur internet m’ont suffi à trouver la racine.

Bref, nous nous égarons. Celle-ci vient du latin culpabilisa qui signifie faute !

Nous pourrions redéfinir le sujet en remplaçant le terme de culpabilité par faute.

Je me suis donc mis en quête de chercher les responsables de cette culpabilité que nous ressentons tous chaque jour dans nos vies ?

Premier constat : Comment pourrais-je me sentir coupable, puisque que ma venue au monde ne procède aucunement d’une quelconque volonté de ma part !

Imaginez un instant la supercherie de l’existence ! La Culpabilité ce n’est aucunement vous qui devez la ressentir, votre présence ici-bas sur cette terre, dans ce pays, dans cette famille pauvre ou riche, de catholique pratiquant ou de laicard vengeur, ne vous est nullement imputable, puisque les responsables ce sont vos GÉNITEURS !

Vos GÉNITEURS, vous ont imbibé de leurs pensées, de leurs gouts et par ce déterminisme économique, culturel et social, si cher à Pierre BOURDIEU ! Ils vous ont marqué au fer rouge depuis votre enfance, de telle sorte que ce vous pensez être bien ou mal, ce qui est coupable ou de ce qui ne l’est pas, ne résulte pas de votre fait mais du leurs !

Ces GÉNITEURS eux-mêmes avaient des Géniteurs et si nous remontons la chaîne originelle des responsabilités qui est le coupable en définitive ?

Je suis donc parti en quête des responsables, et mes recherches m’ont amené à prendre des réquisitions contre les deux responsables que je nomme ad nominem la société et l’altérité.

La société dans laquelle je me trouve, me rend constamment coupable de ce que je suis en fonction de sa propre évolution et donc en fonction du degré de ce qu’elle juge civilisé ou non !

Vous ne me croyez pas ! Vous dites c’est du bull shit, faisons la démonstration par l’exemple dans un esprit cartésien.

Vous gagnez de l’argent, vous êtes riches ? La société vous dit de vous sentier coupable ! Vous devez redistribuer et payer des impôts !

Vous êtes en bonne santé ! La société vous fait injonction de plaindre les malades

Vous trompez votre femme, même si celle-ci est chiante (et vous auriez raison) ? La morale judéo-chrétienne vous intime l’ordre de vous repentir.

Nous devons nous sentir coupables de tout et de nos pensées pour plaire à la doxa sociétale.

Cette doxa sociétale est fourbe car mensongère et évolutive en fonction du temps au gré des cultures.

Prenons l’exemple de la tromperie : deux à trois générations précédentes, c’était un tabou vous étiez mis à l’index de la société pour ce comportement.

Aujourd’hui, le poids culpabilisant de la tromperie et de la relation extra-conjugale n’est au final plus que considéré comme un léger écart de comportement, voir même encouragé par des sites internet faisant l’apologie de la tromperie.


Ce même comportement est le bienvenu en Afrique et la monogamie considérée comme une hérésie intellectuelle.

Une chose où tout le monde tombera d’accord, j’ai le coupable idéal en tout lieu et en tout temps, mais je ne peux que le chuchoter, sous peine de risquer un procès

Ce sont les juifs, Si Vous êtes juifs ! Vous êtes foutu, la pour la société et les ignorants vous êtes responsables des famines, des guerres, et même de votre propre extermination

A cet instant, je pourrais convoquer un juif et non des moindres SIGMUND FREUD pour me prêter main forte lequel disait, dans le traité explosif du Malaise de la civilisation (1929) :

« Finalement nous nous sentons coupable par ce nous sommes civilisés ».

Prenons un exemple pour illustrer cette assertion :

Vous êtes dans un embouteillage.

Alors qu’une vague mouvement de démarrage s’esquisse, la voiture de devant tarde à avancer.

L’espace d’une seconde, vous avez envie de tuer le conducteur devant vous, mais aussi tôt vous êtes empêché par votre surmoi venu de votre morale.

L’agressivité à l’égard des autres se transforme en celle de notre conscience morale à l’égard de nous-mêmes et c’est le sentiment de culpabilité qui se crée.

En conclusion, le but poursuivi par la société dans son entreprise de culpabilisation qu’elle soit morale ou légale de la société, c’est de nous uniformiser à un homo économicus, consommant la même chose, pensant la même chose dans l’unique but de nous rendre servile et docile, et en définitive, nier la singularité humaine.

Toutefois, la société se sentirait bien orpheline si elle n’était pas accompagné de son co auteur dans cette entreprise de culpabilité, que je nomme devant vous : l’altérité

Le second coupable que je désigne est celui qui se trouve dans la fameuse phrase du célèbre livre « huis clos », de JP SARTRE : « l’enfer c’est les autres ».

L’autre est tour à tour mon juge et mon allié, je le déteste autant que j’ai besoin de lui.

Il exerce sur nous une fascination naturelle.

Il m’agace aussi et peut même, provoquer en nous le rejet le plus violent.

Mais nous voulons, en tout lieu et en tout temps un peu de sa compagnie.

Cette altérité conditionne notre existence, nos pensées et en définitive notre culpabilité.

Tocqueville le dénonçait déjà en son temps, dans son ouvrage intitulé : « De la démocratie en Amérique » sous le terme de conformisme démocratique, dénonçant la nécessité des humains de nouer des basses inter -actions en adoptant des comportements moutonnier et semblables.

Vous ne me croyez pas ! SONDEZ VOS ÂMES, MÉCRÉANT.

Dans cette assemblée tout un chacun a fait l’expérience de ne pas pendre parti et de se terrer dans un silence coupable en n’osant prendre position ou rétorquer face à une agora qui ne partage pas son point de vue.

Pire, j’en suis certain, la grande majorité d’entre vous qui oserai prononcer une parole, édulcorerait ses propos, choisirait des termes moins provocateurs, dévoyerait les substantifs, afin de rentrer dans le politiquement correct en vue ne pas être jugé par autrui.

Ainsi, nous voici entrer dans l’ère de la platitude de la pensée, de la morale et de la démocratie d’opinion et des lieux communs conduisant à ne plus nommer les choses, pour être conforme au politiquement correct.

Moi je vous le dis ! Votre silence ou votre pseudo langage est émaillé de lâcheté par peur de voir en l’autre son regard réprobateur traduisant la culpabilité de notre comportement, de nos pensées et de nos idées.

Moi je vous le dis cette auto-censure à ne pas nommer les choses, par une sorte de culpabilité par anticipation, conduit à rajouter du malheur au monde ( A. CAMUS°)

Si je devais conclure, je vous absous de toutes les responsabilités inhérentes à la culpabilité, je suis misanthrope car l’homme se nourrit et se délecte du jugement d’autrui pour exister.

Puisque que nous sommes des amoureux de la formule je dirais :

« En théorie l’homme n’est responsable de rien, mais le devient en pratique par nécessité et par conformisme ».

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